Joystick them all
La réalité virtuelle de la violence
De plus en plus fréquemment, les ligues de bienséance s’attaquent aux éditeurs de jeux vidéos en les accusant de violence et d’incitation aux pires infamies. C’est oublier un peu vite que la fonction même du jeu vidéo est la reproduction codifiée du réel, une manière de l’appréhender en le transformant en jeu, de le remanier en maniant son joystick. C’est le principe même de la virtualité : reproduire un ersatz de réalité. Les 25 minutes réelles d’un journal télévisé sont souvent bien pires sans que ce déluge de violences ne suscite la moindre réprobation.
Par Bruno Cormier
« Le magazine anglais Take a Break engage une campagne contre les jeux vidéo violents outre-Manche. A l'issue d'une enquête menée auprès de ses lecteurs, le magazine rapporte que 82 % des 7000 personnes interrogées ont demandé l'interdiction pure et simple des jeux trop violents en Grande-Bretagne. (C’est une évidence absolue, les jeux vidéos encouragent la violence. Avant les jeux virtuels, le monde reposait dans la quiétude pastorale des prés fleuris et des repas de famille, dans la célébration des joies du Seigneur et un intense sentiment de paix harmonieuse qui va des vertes prairies de Verdun au camps de loisirs de Auschwitz-Birkenau, le silence méditatif régnait à Hiroshima et à Nagasaki, bref tout allait bien dans le meilleur des mondes).
Take a Break vient donc d'entamer une pétition contre les jeux sanglants, qui sera délivrée au Premier Ministre Tony Blair. Le magazine recherche aussi des militants volontaires pour se présenter aux élections et vociférer contre la cyber-violence, qui se transpose dans la réalité selon eux. (les mêmes purificateurs de la morale ne s’émeuvent pas des bombardements au phosphore sur les populations civiles en Irak, de Guantanamo, de la faim en Afrique, du SIDA et autant de causes qui méritent largement une attention vindicative).
En effet, le magazine établit une relation directe entre ces jeux « peu catholiques » et le comportement anti-social grandissant des jeunes du pays. Les abus d'alcool, de drogue, les nombreuses altercations, et les gangs seraient directement causés par la mentalité qu'induit le monde du jeu vidéo actuel. (Tous les mouvements de jeunes que ne comprenaient pas les adultes condescendants ont été taxés de subversifs, les déhanchements sataniques des performers du rock à la béatitude orientale des hippies en passant part le hip-hop et le punk pour ne parler que de musique).
La campagne est baptisée Mum's Army, elle vise à unir les femmes et mères de familles contre les comportements anti-sociaux qui gâchent la vie des anglais ordinaires, d'après le magazine. « Il est temps pour les femmes ordinaires d'Angleterre de montrer un front uni » explique Take a Break, lancé en pleine Croisade. (Croisade, le mot est révélateur… Ce type de croisés préfère sans doute que la jeunesse s’abrutisse devant les programmes de propagande distillés comme un thé tiède dans les foyers).
« Les jeux vidéo glorifient le proxénétisme, le trafic de drogue et les meurtres en pleine rue. Pouvons-nous contrôler tout ceci ? », explique le magazine, qui se veut être la « voix du peuple » (vieille thématique de l’extrême droite et de la décadence supposée du progrès, l’attente rancie dans l’immobilisme et la soumission sont des valeurs à réactualiser sans doute…). Le rédacteur en chef du magazine ne veut pas se contenter d'un simple contrôle parental, car selon lui, les jeunes peuvent toujours accéder aux jeux vidéo, quelle que soit la limite d'âge inscrite sur la boîte.
La campagne Mum's Army s'attaque parallèlement à la consommation d'alcool à toute heure de la journée, et à la présence policière jugée insuffisante dans les rues anglaises...» (Les ligues de la vertu reprennent du service en somme, un projet évangéliste de plus avec toute l’hypocrisie insupportable du discours pieux et de la réalité des vices ordonnée par la soutane en sous-traitance).
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Un aperçu très relatif (Absoluflash.com)
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CC Jung