L'imposteur est un petit prodige

Publié le par cc jung in effect

Ainsi donc les urnes ont parlé et elles ont plutôt radoté si l’on en croit les résultats et la répartition des votes par tranche d’âge. Exit donc Chirac et la gouvernance en bon père de famille nombreuse et place au bonimenteur suprême et sa cour des miracles où se mêlent des repentis, des transfuges, des anciens d’Occident, des vieux canassons de la politique et quelques parvenus... dans la haute sphère. La France a donc ce qu’elle mérite et surtout ce qu’elle a souhaité. Les médias et autres relais d’opinion lui ont d'ailleurs gentiment sussuré en permanence qu’elle faisait un bon choix en reconduisant cette même vaillante équipe de fossoyeurs de la République. On prend donc cinq ans ferme de plus  (lien Agoravox).
 
Qui aurait pu dire, il y a quelques mois à peine que l’on finirait par regretter le bon vieux Chirac ? C’est un peu l’inhabituel sentiment qui nous anime au moment où l’empereur à talonnettes s’apprête à investir l’Elysée et pas sur la pointe des pieds, c’est le moins que l’on puisse dire. Après avoir rayé les parquets avec ses canines aiguisées, le sémillant nouveau Président de la République est en train de biffer les us et coutumes de la République qui donnaient encore un semblant de solennité et de pompe à la fonction suprême. Question de culture sans doute, de manières et de hauteur de vue…
 
Le vieux monarque amateur de sumo, de valises bien lourdes et furtives et de bains de foule s’esquive et voici que déboule, toutes sirènes hurlantes, un hurluberlu frénétique aux manières de GO du Club Med avec en prime, la discrétion d’un touriste en goguette. Fini l’encombrant carcan d’une histoire brillante et prestigieuse et ces alcôves bavardes où traînent quelques illustres fantômes de la République, place à la lumière et aux sunlights avec Pascal Sevran, Doc Gyneco et Enrico Macias pour faire chauffer les lambris feutrés transformés en piste de carnaval.
 
Dilapidé le lourd héritage de siècles de guerres, de jacqueries, de grands hommes et d’utopie humaniste, place à la culture décomplexée, c'est-à-dire celle qui n’a plus honte de ne pas avoir le moindre soupçon…de culture. Le roi se retire et vive l’empereur, ce fils prodigue et prodige qui a fermé les livres pour mieux allumer TF1, celui qui réduit la pensée politique à une infâme bouillie marketing où barbote tout et n’importe quoi et surtout pas grand-chose si ce n’est un fumet bien lourd et une odeur de graillon pour mettre en appétit le bon peuple qui a faim et qui restera... sur sa faim. Place donc à la culture fric et freak, celle du mauvais goût assumé, des remakes de série Z de Kennedy et Onassis à la sauce Bolloré, celle des soap-opéras de Dallas et Dynasty, celle des intrigues amoureuses du Loft de Steevie (lien « Yacht story » - Libération), celle de Berlusconi pour le verrouillage des médias (liens le Monde) avec une pincée de Bush pour bien cuire à l’étouffée les récalcitrants.
 
 

Mandala méditatif du Commandant Jung à l'usage des âmes peinées...

Il ne restait plus au peuple languissant qu’à parapher sa propre sentence
 
 
Le nouveau propriétaire des lieux doit une fière chandelle à tout le système médiatique qui devait « éclairer » le bon peuple pour lui permettre de faire le bon choix. C’est ce qu’il a fait finalement à sa manière équivoque, la publicité n’avait rien de comparatif et tout du cumulatif pour bourrer les urnes et les crânes. La responsabilité des médias dans la campagne électorale qui vient de se dérouler est grande, tout comme la valse endiablée des sondages qui n’ont pas servi d’instrument de mesure de l’opinion mais de manipulation de cette dernière. Les médias ont servi d’instruments de guerre électorale au service des grands groupes industriels qui ont adoubé Nicolas Sarkozy. Idem pour les médias du service public qui se sont mis piteusement au diapason. Le ministère de l’intérieur et de la propagande avait pris le soin au préalable de préparer l’opinion et de la chauffer à la bonne température émeutière. Tout était prêt pour le banquet des banquiers, il ne restait plus au peuple languissant qu’à parapher sa propre sentence. Un coup de maître imparable pour l’adversaire à talons aiguilles.
 
Le choix électoral du candidat attitré du MEDEF et compagnies par une majorité du peuple qui réclamait moins de précarité, un meilleur pouvoir d’achat et un peu plus de probité en politique, tient de l’imposture majeure. Fait plus que significatif, c’est désormais le MEDEF qui indique les orientations politiques du candidat en matière de dialogue social, tout un symbole…. (lien Libération). A propos de collusion des médias et autre connivence plus ou moins habile, il convient de s’arrêter un instant sur un cas particulier, celui du quotidien du soir qui est emblématique. Sans en avoir l’air, le Monde a joué la partition du petit Nicolas avec une subtilité remarquable. L’archer et la plume servaient aussi bien à caresser les uns dans le sens du poil, à chatouiller les autres sous les tailleurs, à jouer de douces berceuses à vertus soporifiques ou à décocher des flèches effilées… La prise de position tardive du quotidien pour Ségolène Royal n’a aucunement levé l’ambiguïté sournoise du journal.
 
On peut d’ailleurs illustrer ce double jeu permanent par un article du jour « Un si bref état de grâce » où se profile comme un soupçon de regret. Pour minimiser le couac de Sarkozy qui n’a pas attendu sa prise de fonction pour montrer qu’il était bien décidé à nous mener en bateau, le Monde se fend d’un article bien retors pour faire comprendre que les frasques du petit dernier sont ni plus ni moins qu’un accès urticant de modernité régénératrice. « En trois jours de "vacances", il parvient à se ressourcer, à indigner la moitié de la France, à épater l'autre, et à revenir aussi bronzé qu'un vacancier qui se serait imbibé de crème solaire durant trois semaines. Chapeau ! » s’enthousiasme le chroniqueur qui entonne dans la foulée, un refrain fédérateur en déclarant qu’ « il y a du Sarkozy en chacun de nous » (lien). Voilà pour le journal qui soutenait officiellement Ségolène Royal…
 
 

L'étrange apparition du Commandant Jung dans un épisode du Prisonnier...

Pour éviter d'avoir à défendre son bilan, il a multiplié les leurres et les diversions
 
 
C’est pour contrer ce mur invisible de l’information qui étouffe ou qui amplifie, qui donne à voir ou occulte, qui dirige ou disperse et qui persifle ou omet, qu’il est plus que jamais nécessaire de développer un contrepoison efficace et de promouvoir des initiatives comme Agoravox ou Rue89. Sur le site citoyen (Agoravox), de nombreux articles donnent un éclairage bienvenu sur la campagne électorale et son étonnante conclusion. Le remarquable « Sarkozy ou le triomphe des passions tristes » (lien) fait ainsi un récapitulatif saisissant des grands axes de la campagne du candidat vainqueur, celui-là même qui a multiplié les leurres et les diversions pour éviter d’avoir à défendre un bilan de gouvernance honteux. De la même manière, on salue le bienheureux titre d’article, « le président de ceux qui se couchent tôt » (lien) qui résume l’affolante modernité d’un candidat qui défend une certaine idée de la vieille France déboussolée par un abus manifeste de TF1, de tranquillisants et de verveine. Cette même tranche d’électeurs qui demande toujours plus de matraques et de taser pour mater ces jeunes. Des "actifs"  qui manifestent leur dépit bruyamment là où ces enfants de Mai 68 devraient se contenter benoîtement de précarité, de chômage, de perspectives d’avenir sombre et de casse sociale, en silence… Les provocations policières (lien Le Monde), mille fois dénoncées, ne sont pas prêtes à décroître et tout cela laisse présager de futurs troubles qui devraient aggraver encore plus le fossé entre une partie fébrile de la population et une jeunesse plutôt désoeuvrée et laissée à l’abandon. Que dire de la parade cagoulée des militants d'extrême droite en plein Paris, barres de fer à la main et protection de la police en sus, si ce n'est que tout ceci annonce un climat tropical...
 
C’est sans doute pour parer aux innombrables défis qui attendent le président neuf que celui-ci s’est entouré d’une kyrielle de nouvelles têtes politiques, de quoi insuffler un peu d’oxygène pur dans notre démocratie viciée. Les Juppé, Fillon, Raffarin, Veil, Devedjian, Longuet, Carignon, Estrosi, Alliot-Marie pourront apporter la fraîcheur et l’innocence qui ont fait défaut au gouvernement précédent et qui expliquent sans doute son calamiteux exercice (lien Figaro). Après douze années de bidouillage et de ratés, le peuple souverain vient donc de décider de reconduire ceux qui ont fait leurs preuves en somme. Il faudra s’y faire, tout est effectivement devenu possible dans la France d’après, même la rupture tranquille, celle qui devrait encore aggraver la fracture sociale. Selon la même logique, en dépit de l’immense déception de son électorat, des émeutes sporadiques qui ont émaillé son mandat, des mauvais chiffres de l’emploi (même si les statistiques prétendent l’inverse) et des promesses non tenues, Nicolas Sarkozy sera bien réélu en 2012. Imparable, c’est la fameuse exception française, celle de la prime à la casserole qui a transformé notre pays en véritable quincaillerie qui ne vaut plus un clou.
 

 
Liens : 
 
 
 
 
 
 
 
 
«Yacht Story», première (Libération – Médiatiques)
 
 
«Libé» lu : «Sale gauchiste» (Courrier de Libération)
 
 
 
 
 
 
 
 
Retour d’escapade, vite fait (le petit Nicolas, suite) (De Defensa)
 
 
 
 
 
Sarkoland? (New York Coste – l’Express)
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Cinq ans ferme (Agoravox)
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
See U
 
CC Jung 
 
 

Publié dans Omegactualité

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