Liban : les dérapages incontrôlés...

Publié le par cc jung in effect

Une fois n’est pas coutume, Omegalpha met en lumière un article de l’excellent site belge De Defensa consacré aux travaux du professeur Pape de l’université du Chicago. Loin d’être ennuyeuse, son homélie  scientifique est consacrée à l’analyse comportementale des « terroristes » qui rendent les routes bien dangereuses en Irak et ailleurs en se conduisant mal… Il y a d’ailleurs de quoi déraper en lisant le récit des innommables boucheries des soudards de l’Empire (lien « Scène d'horreur à l'audience de soldats américains en Irak » Reuters ). Bref, le portrait que le professeur dresse des aspirants kamikaze, loin de la propagande massive qui nous noie, donne à réfléchir sur la notion même de terrorisme, sur les aspirations de ces « terroristes » et sur l’appellation « terroriste » utilisée systématiquement à l’encontre de ceux qui ne se soumettent pas à l’Empire du Bien. Cette dénomination connotée ne servait-elle pas à l’époque au régime nazi pour disqualifier les Résistants français ?
 
Un coup d’œil sur les liens proposés nous donnera une bonne indication de la tension du jour au Moyen Orient. Le monde assiste impuissant à la destruction frénétique d’un pays, le Liban, par un voisin,  Israël. Incapable de parvenir à ses fins militaires, l’état-major de Tsahal en est réduit à de spectaculaires dévastations et autres pilonnages massifs pour masquer les carences d’une déconfiture tactique. Le grand Israël ne peut pas perdre dans cette partie de poker menteur alors il détruit les cartes, les pions, la table de jeu et les joueurs en usant des prétextes qui lui servent depuis si longtemps pour tricher avec la réalité.
 
Malheureusement encouragé par des incompétents fanatiques qui ne rêvent que de fin du monde et d’Armageddon (liens) comme promesses d’avenir, l’état hébreu se retrouve pris dans le plus terrible des pièges, celui de l’orgueil et de la colère. Tuer tous ses ennemis plutôt que de comprendre, d’analyser et de désamorcer leur animosité renouvelée semblerait pourtant la seule et unique chance d’envisager une pacification de la région à plus long terme. De la même manière que les Américains ont complètement raté l’immense interrogation du 11 septembre 2001, les Israéliens poussent la logique de la violence encore plus loin dans une course-poursuite démente et absurde qui fauche tant de vies innocentes au passage.
Né de l’occupation israélienne au Liban, le parti du Hezbollah apparaît aujourd’hui comme le triste vainqueur de cette surenchère (liens). « Le Hezbollah n'est pas un groupe islamiste ni une simple organisation de terrorisme. C'est d'abord une organisation de résistance contre les forces étrangères au Liban.  Tant qu'Israël n'aura pas compris cela, il perdra » souligne justement le International Herald Tribune (Lien « The imagined enemy, and the real one » ). La haine nourrit la haine. Que font deux chauffards qui roulent à tombeaux ouverts sur la même route dans un sens opposé ? Ils finissent par se rentrer dedans.
 
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Un peu de lecture…
 
(De Defensa) « 7 août 2006 — C’est une vieille coutume de notre Histoire. Peut-être certains s’en souviennent-ils dans la brume incertaine de leur mémoire si souvent sollicitée pour d’improbables causes. Il s’agit de cette simple idée : “donner sa vie pour la patrie” (en général, on parle de la guerre qui menace la patrie). Comprenons-nous encore ces mots ? Sans pour autant l’exalter mais au moins en la respectant, si le mot de “respect” a encore un sens, — comprenons-nous cette idée comme une simple réalité de l’Histoire : il fut un temps où il était commun pour le citoyen d’une nation de concevoir de donner sa vie “pour la patrie”? Il fut un temps où un Guynemer, peu avant de mourir en combat aérien en 1917, disait, les yeux fiévreux : « Tant qu’on n’a pas tout donné, on n’a rien donné » Alors, dingue, Guynemer? Non, plutôt : terroriste, Guynemer?
 
Il serait temps de se rappeler ces temps-là. Nous avons plus de chances de comprendre les choses en lisant le professeur Pape qu’un A. Glucksman nous contant, le cul dans son fauteuil parisien, la visite de Dostoïevski-le-dingue contre les tours de Manhattan, ce joyau de notre civilisation (Dostoïevski à Manhattan).
 
Le professeur Pape, de l’université du Chicago, vient de publier : Dying to Win: Why Suicide Terrorists Do It. Il s’explique de son livre dans un article qui fait le tour du monde. L’article a été publié le 3 août dans le New York Times et l’International Herald tribune (titre : « The imagined enemy, and the real one »), le 6 août dans The Observer (titre : « What we still don't understand about Hizbollah »). Le livre et les articles de Pape devraient, si nous avons l’oreille fine, faire grand bruit. The Observer signale que Pape est consulté : « This week, world terrorism expert Robert Pape will share with the FBI the findings of his remarkable study of 462 suicide bombings. » (…)
 
Que nous dit le professeur Pape ? En deux mots, que les “terroristes” qui se
suicident, notamment dans leurs “voitures-suicide”, ne sont pas en général des “fous de Dieu” mais des patriotes ; que leur motif n’est pas principalement de donner leurs mannes à Allah mais de contribuer à la libération de leur patrie en lui donnant sa vie dans un combat pour sa défense. En d’autres temps (voir Guynemer), cela s’appelle : “donner sa vie pour la patrie”. Vous voulez que les soi-disant “suicides-terroristes” cessent ? demande Pape. Alors, retirez-vous des pays que vous occupez avec vos forces militaires. Incroyable réponse ! (Nous sommes dans une époque où le simple enfoncement des portes ouvertes relève d’une audace de l’esprit presque sacrilège.)
 

Le procès dit de la paille et la poutre
 
Il faut mesurer l’aspect révolutionnaire de ces constats. Toute la théologie de bazar de la “guerre contre la terreur” est basée sur deux principes : nos ennemis sont des méchants parce qu’ils ont l’esprit envahi par la fièvre intolérante de l’intégrisme religieux ; nos ennemis sont également des fous parce qu’ils n’hésitent pas à sacrifier ce que nous jugeons être ce don le plus précieux du monde — leur propre vie — pour cet embrasement de l’esprit par l’intolérance qu’est l’intégrisme religieux. (Ce pourquoi il serait bon de songer à enquêter sur le cas de ce Guynemer.)
 
Tout cela est en général faux, nous dit Pape. Les suicidés ne sont pas en général des intégristes mais des patriotes. La mise en cause de leur équilibre mental par ceux-là (les Glucksman, Cheney & compagnie) qui les jugent comme des “fous de Dieu” alors qu’ils sont des patriotes ressemble bien à une version postmoderniste de “la paille et la poutre”. Qui est le plus fou dans ce prétoire où l’on fait, contre un absent, et un mort de surcroît, le procès d’une attitude, l’intolérance, qu’on semble bien être les premiers à suivre, d’abord en refusant non seulement l’enseignement mais le constat des faits ? (…)
 
On comprend qu’un Cheney haïsse les “terroristes” qui se suicident contre une voiture blindée de l’occupant américain. Ce crétin (le “terroriste”, pas Cheney) n’avait donc pas d’“autres priorités”? Celle de collaborer avec l’occupant, par exemple? Mais arrêtons le sarcasme, la cible est trop voyante. A trop moquer la lâcheté de ces “derniers hommes”, on s’y salirait.
 
 

 
 
le sortilège de bazar que porte ce mot dans le langage courant
 
 
Plus importantes sont les conséquences des constats du professeur Pape. Là est , absolument, l’essentiel du débat, car rien d’autre de fondamental ne tient cette énorme mobilisation du monde entier entachée d’échecs à répétition, de catastrophe en catastrophe et de mal en pis, que l’accusation anathématique et relaps (tiens, que de termes religieux chez nous) contre le “terrorisme”. Remettre ceux que l’on nomme les “terroristes” à leur place, c’est-à-dire écarter le sortilège de bazar que porte ce mot dans le langage courant et s’en remettre aux faits débusqués par le professeur Pape, revient à dire : ces soi-disant terroristes, en réalité, sont en général des hommes et des femmes qui défendent leur patrie, leurs traditions, leur histoire, leur civilisation. Ces soi-disant terroristes, en réalité, au travers de leur combat, désignent, peut-être sans le savoir (ce n’est pas sûr), l’ennemi général : un monstre sans visage, avec ses aboyeurs, ses rabatteurs et ses publicistes, ses armées robotisées et aseptisées à la technologie et ses saltimbanques aux discours convenus, dont le but général est nihilisme pur ; tout briser, tout broyer, ¬— se réaliser dans “le désordre créateur” ou dans l’Armageddon final, on ne sait. Qui est le fou de la farce tragique ? (…)
 
 
Le professeur Pape nous pose un singulier problème, à nous Occidentaux, nous si férus de nos “valeurs” (dont le patriotisme, d’ailleurs, la petite bannière étoilée en sautoir à la boutonnière). Cela s’appelle un dilemme. Ou bien, cela s’appelle : ouvrir les yeux, — au choix. Au rythme où vont les événements et face à la grossièreté insupportable de la vision que nous impose le virtualisme, — car nous y sommes, dans le virtualisme, avec la petite bannière étoilée en sautoir, — il devient de plus en plus difficile de passer muscade. (…)
 
 
Article dans son intégralité :
 
 
 
 

 
 
Réfléchir :
 
 
Brzezinski : le commencement de la fin pour Israël (De Defensa, en partie rédigé en anglais)
 
 
 
Le principal argument pour l'attaque de l'Iran, c'est simplement qu'on débouche ainsi sur Armageddon et qu'on se rapproche de la seconde venue du Christ. * C'est un argument stratégique qui n'est pas à négliger pour comprendre la politique américaniste. * Publié le 3 août 2006, Alternet.org, USA.
 
 
METTRE FIN AU CAUCHEMAR NÉOCONSERVATEUR — Daniel Levy (Questions critiques)
 
« (…) Se trouvant quelque peu enlisés dans le bourbier irakien, les néoconservateurs se délectent de cette nouvelle crise, affichant la prétention démesurée qui les caractérise en redimensionnant l'initiative. Inspirés par les néocons, des appels à des tueries sans fin, à ne pas discuter et à étendre les hostilités à la Syrie et à l'Iran inondent la presse et la blogosphère étasuniennes. Et Gingrich, lui, appelle [carrément] à une troisième guerre mondiale pour "défendre la civilisation". (…) »
 
 
UNE TERRIBLE PENSÉE ME VIENT À L'ESPRIT... — Robert Fisk (Questions critiques)
 
 
 
 
The imagined enemy, and the real one (International Herald Tribune, USA)
 
 
 
 
Edgar Morin, juste d’Israël ?  (Le Monde diplomatique)
 
 
 

Liens :
 
 
 
 
La guerre sale (Nouvel Obs)
 
 
 
 
 
 
 
(…) Voilà 25 jours que l'Etat hébreu bombarde le Liban pour traquer le Hezbollah, responsable de la capture de deux soldats de Tsahal. A ce jour, 45 soldats israéliens ont été tués au cours des opérations militaires. En face, le chiffre de 1000 morts côté libanais est atteint. La plupart sont des civils. (…)
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
  
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
See U
 
 
CC Jung
 
 

Publié dans Omegactualité

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