Ultime alternative
L’hécatombe oubliée
Qu’est ce qui fait plus de morts que les accidents de la route ? Quelle est la première cause de mortalité chez les 25/34 ans ? Quelle est la cause de cette hécatombe bien silencieuse ? Le suicide.
Nous vivons dans un monde tellement merveilleux, si plein de perspectives d’avenir réjouissantes, un monde d’humanité où la vie a un sens profond et affirmé, un monde guidé par le désir d’élévation spirituelle, un monde où le respect de la vie reste une valeur universelle… Un monde que beaucoup préfèrent quitter prématurément. C’est l’un des sujets les plus tabous de notre société pour des raisons d’héritage judéo-chrétien qui condamne le suicide comme beaucoup d’autres cultes, pour des raisons également beaucoup moins spirituelles puisque le suicide est bien souvent la réponse individuelle, violente à un échec collectif. C’est le douloureux aveu d’un fiasco de notre civilisation « évoluée ».
Faut-il s’étonner de la contagion du suicide, de cette fuite en avant vers le néant devant le spectacle parfois abominable que notre quotidien nous renvoie sans cesse. Guerres, attentats, catastrophes, pollution, tortures, déportation, l’actualité charrie chaque jour des monceaux nauséabonds de noires nouvelles du monde. Le quotidien de chacun n’est pas non plus un long fleuve tranquille, de l’explosion de la structure familiale à l’accélération du processus de la précarité, cette inquiétude permanente du lendemain qui ronge bien des certitudes. Nous vivons dans une ère d’instabilité chronique sans réelle direction de vie, sans guide spirituel, sans vie spirituelle, sans but semble-t-il que l’accession à la consommation. Nous ne vivons plus, nous faisons semblant de vivre en consommant autant de futilités pour combler le gouffre que l’on devine. Splendeur et misère de notre modèle de vie.
Le suicide fait autant de victimes chaque année qu’une bonne petite guerre, puisque «environ 10 000 personnes se donnent la mort » (Lien), l’équivalent d’une ville entière qui bascule dans le côté obscur. Un chiffre effrayant puisqu’il correspond au double des tués sur la route, il n’a pourtant rien d’exceptionnel dans les sociétés occidentales, celles dites « développées » sans parler du Japon où cette funeste cérémonie se pratique désormais collectivement via internet. Signe manifeste d’un dérèglement profond de nos sociétés mues autrefois par un désir de bien-être et de progrès social. L’heure est désormais à la compétition, à l’exploitation économique et à l’anéantissement des catégories jugées « faibles » (peu productives en clair) par nos nouveaux prêtres prédateurs, les capitaines d’industries. Quand on est traité comme une marchandise périmée ou non conforme, on finit parfois à la poubelle, de son plein gré. Triste constat.
Liens :
Extrait : « Le suicide frappe d'abord les employés, les ouvriers, les chômeurs.
En effet. Et il se trouve qu'il s'agit de catégories sociales dont l'espérance de vie est déjà la plus faible car elles sont soumises à des conditions de travail et de logement difficiles. Elles sont touchées par les maladies cardio-vasculaires et les cancers - des maladies dont les courbes suivent celles du suicide, qui est donc devenu un révélateur du profond clivage qui sépare le haut du bas de l'échelle sociale... »
« Pourquoi la France reste-t-elle l'un des pays occidentaux où l'on se suicide le plus?
Avec 20 suicides pour 100 000 habitants, la France vient derrière la Lettonie, la Lituanie, les pays de l'Est et la Russie, qui ont des taux dramatiquement élevés, de 40 à 50 pour 100 000. Et devant les pays scandinaves, le Japon, l'Allemagne, le Royaume-Uni. Plus tôt que les autres pays, la France s'est laïcisée, la religion y a perdu de son influence. Or celle-ci protège contre le suicide, comme la famille: les divorcés et les célibataires se suicident plus que les gens mariés. En France, le taux de divorce est élevé. »
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CC Jung