Les mots non policés des policiers

Publié le par cc jung in effect

Les cendres de décembre
 
Maintenant que la situation s’est calmée en banlieue et que la furieuse communication de Sarkozy se tourne vers d’autres batailles, il convient d’analyser les évènements passés, à froid, sans démagogie et sans parti pris. Plusieurs articles parus dans la presse du jour nous fournissent d’intéressantes pistes de réflexion.
 
Profitons de l’accalmie relative sur le front encombré de la démagogie pour reprendre un peu notre souffle. Un souffle si souvent coupé par l’indignation suscitée par les dérapages verbaux des uns et les provocations philosophiques d’autres. Rendons à César ce qui lui appartient en saluant le fait que les affrontements entre forces de l’ordre et forces du désordre ne se soient pas soldés par d’autres morts. Il y en avait eu bien assez auparavant, des adolescents de Clichy au photographe battu à mort sans oublier le retraité lynché par d’ignobles individus.
 
Trois semaines d’émeutes, une crise gravissime tant par son ampleur que par sa contagion, devraient nous inciter à analyser avec un peu de recul cette montée de fièvre spectaculaire. En donnant par exemple la parole aux policiers qui ont été sur le terrain de jeu mouvementé. Ces derniers craignent aujourd’hui les fêtes de fin d’année qui sont traditionnellement agitées. Hasard du calendrier, elles arrivent alors que les braises des émeutes banlieusardes se refroidissent doucettement. Ont-ils été étonnés par cette brusque flambée de violence ? Pas vraiment mais c’est l’intensité et la durée qui ont été surprenantes pour ces hommes en uniforme.
 
 
 
Fission
 
 
 
 
Manoeuvre de diversion
 
« L'ampleur nous a surpris, c'était inédit. Mais on avait déjà été alerté sur une ambiance tendue en banlieue. Notre analyse était fondée sur plusieurs éléments, dont la nuit du 13 juillet 2005 où une centaine de voitures avaient été incendiées en Seine-Saint-Denis. On était passé au stade de la guérilla urbaine avec des gens coordonnés et mobiles. Ils jouaient avec les CRS, les piégeaient. On avait même vu une voiture balancée dans l'escalier du RER » admet un haut fonctionnaire dans un très instructif article de Libération (Lien).
 
Nous voilà à des années lumières des annonces tonitruantes du premier flic de France qui a vu dans cet embrasement la main sournoise des « barbus » islamiques puis des dealers dérangés par la trop grande efficacité du génial ministre pour finir piteusement pas imputer le chaos aux familles polygames et aux rappeurs… Tout et surtout n’importe quoi même si les tirs nourris fusent toujours dans une certaine direction, celle des immigrés ou français d’origine immigrée, le maillon faible en politique (des non-électeurs). Il s’agissait sans doute, par ces manœuvres de diversion, de faire oublier le pyromane.
 
 
 
Chamanique voyage
 
 
 
Il y a une omerta
 
« Il n'y a pas eu d'organisation mais ces jeunes ont ressenti qu'ils appartenaient tous à la même condition défavorisée, dit un ponte du renseignement. Un si grand nombre de cités ne s'embrasent pas comme ça sans une conscience commune, avec, pour moteur, le chômage et la discrimination. Il y a des ferments de révolte.» précise le même article de Libé. Un autre officier interrogé donne un éclairage intéressant : « c'est ce que l'on vit depuis des années ! Un week-end, c'est 300 bagnoles qui brûlent. Simplement, les préfets, les directeurs de la sécurité publique ne veulent pas en parler. Il y a une omerta ». Rien de nouveau sous le soleil nocturne des violences urbaines…
 
Et dire qu’une partie des élus, bousculés dans leur confort de nantis et leurs certitudes érigées en dogmes idéologiques, demandaient l’intervention de l’armée comme à Prague, à la belle époque. Matez-les ! Ces émeutes sont, il est vrai, la démonstration la plus éclatante de leur incurie et de leur cécité sélective. « On fait les frais d’une absence de politique en banlieue. Si on se souvient que Chirac parlait de réduire la fracture sociale lors de sa campagne électorale de 1995, aujourd’hui, on frise le dépôt de bilan » résume, amer, un officier de l’Essonne.
 
« Intifada des banlieues », « révoltes musulmanes », « terrorisme urbain », autant d’appellations teintées d’une idéologie glauque colportées par le Ministre de l’intérieur et ses sbires puis par une armada de lobbyistes qui ont cru le moment venu de faire tomber les masques qui cachaient maladroitement leur vrai visage, un rictus hautain et haineux.
 
Selon un rapport des Renseignements Généraux, a priori les gens les mieux informés de France, « le mouvement "s'apparente à une révolte populaire des cités", mais n'était ni organisé, ni manipulé. La France aurait basculé de "la guérilla urbaine" à "l'insurrection urbaine" et les violences seraient dues à la condition sociale des émeutiers et non à leur origine ethnique ou géographique » (le Parisien, Lien). Autant d’éléments disparates de nature à démonter la mécanique intellectuelle faisandée de nos philosophes et autres penseurs mal inspirés.
 
 
 
Voice
 
 
 
 
Tuer les messagers
 
On connaît donc un peu plus précisément et officiellement les causes de cette révolte spontanée. Rien de vraiment novateur dans l’analyse pour qui s’intéresse un tant soit peu au quotidien difficile des banlieues. Les rappeurs justement, comme NTM, Assassins, IAM et tant d’autres alertaient (depuis des lustres) sur l’imminence et l’inéluctabilité de la crise si rien ne changeait entre temps.
 
Dix années plus tard, les Cassandre de banlieue ont vu leurs prédictions s’accomplir, logiquement. De là à faire taire ou tuer les messagers, il y a un pas absurde que certains élus de l’UMP ont franchi allègrement. Gouffre de la bêtise insondable (fracture… mentale ?) et misère intellectuelle sans doute. Un couvre-feu et un état d’urgence plus loin, les esprits semblent s’apaiser, du moins en banlieue puisque les élus de la Majorité font feu de tout bois pour récupérer la situation dans une surenchère dangereuse, en parfaits inconscients. Ils devraient pourtant méditer une partie du rapport des RG :  « Restreindre les derniers événements à de simples violences urbaines serait une erreur d'analyse ». L’avertissement est clair. Encore une fois.
 
 
 
Liens :
 
 
« Ce que vous avez vu, on le vit depuis des années »
 
 
 
Violences urbaines : "une révolte populaire"
 
 
 

Des officiers de police débordés

 
 
 

Une requête de 74 juristes pour suspendre l'état d'urgence

 
 
 
Intolérable : Mourir de froid dans un pays riche !
 
 
 
 
See U
 
CC Jung
 
 
 
 
 


 

Publié dans Omegactualité

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H
J'ai lu aussi l'article de Libé, ai hésité à en parler. Tu l'as fait ! Intéressant je dois dire.
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