Les leçons d'un gâchis

Publié le par cc jung in effect

Enfin les armes se sont tues, il était temps car elles ont beaucoup tué. Le Liban se réveille péniblement d’un cauchemar, celui d’un pays dévasté, d’une économie ruinée et d’une population errant dans les décombres. Chacun des deux belligérants rivalisent d’ingéniosité pour proclamer sa nette victoire, le meilleur signe que les deux guerriers ont finalement perdu. A plus long terme, c’est l’état hébreu qui risque également de connaître de salutaires bouleversements. La non-victoire de Tsahal est peut-être le prélude d’un changement radical d’attitude, de politique et de stratégie régionale et peut-être l’amorce d’une réelle solution pour panser les plaies profondes qui suppurent de puis trop longtemps dans cette partie du monde.
 
 
Tous perdants ou presque… C’est le triste bilan qu’il convient de tirer de cette nouvelle guerre qui a ébranlé le Liban. Et dire que ce cauchemar a duré 34 jours pour un résultat insignifiant d’un point de vue purement militaire de part et d’autre. Le spectacle qui s’offre aux hordes de réfugiés qui regagnent leur pénates est un véritable crève-cœur : ponts déchiquetés, immeubles effondrés, usines dévastées, routes défoncées et la menace des mines et des bombes à fragmentation en sus (lien « le Liban exsangue… » du Figaro)
 
Ce mouvement d’humeur de l’irascible voisin aura coûté bien cher au pays du Cèdre, c’était sans doute le but recherché à titre de punition pour avoir démocratiquement choisi le Hezbollah… Le bilan humain est terrible avec plus d’un millier de civils emportés et une facture qui s’élève à plus de 10 milliards de dollars (lien). C’est tout un pays et ses infrastructures que les F16 israéliens ont méthodiquement réduit en poussières avec une volonté de destruction assumée. Quelle stratégie militaire pourrait expliquer le bombardement d’une usine de fabrication de produits laitiers par exemple ? Pour priver les miliciens du Hezbollah de yaourts ?
 
Cette guerre d’un nouveau genre puisqu’elle a opposé une armée surpuissante mais conventionnelle à une milice qui pratique la guérilla, est riche d’enseignements. Tout d’abord, il y a un tabou qui est tombé au Moyen Orient, celui des raids aériens sur les zones civiles comme il y a eu à Beyrouth et à Tyr. Il faut remonter à la guerre en Tchéchénie avec une aviation russe rasant la capitale Grozny pour trouver un précédent qui fut, à l’époque, mille fois plus terrifiant il est vrai. Par rapport au déluge de feu qui s’est abattu sur le Liban, le nombre de victimes est étonnamment faible, signe que les bombes sont précises et que les bavures sont parfois intentionnelles également… L’autre remarque que l’on pourrait faire en restant dans le domaine des conventions internationales, ce sont les multiples intimidations ou carrément les attaques de l’aviation sur des convois de réfugiés et les convois de secours (lien Libération Reuters), ce qui est proprement scandaleux.
 
 

 
Les habituelles parades seront sans doute avancées
 
 
Que dire de l’utilisation de nouvelles armes prohibées comme celles utilisant le phosphore, les sous-munitions à fragmentation et la technologie de l’effet de souffle par l’armée israélienne ? Il fallait tester les dernières armes fournies par le Pentagone et l’occasion était toute trouvée ? Les habituelles parades seront sans doute avancées, le Hezbollah se cache parmi la population et tutti quanti. Rappelons que le Hezbollah est une milice et que par définition, il s’agit de civils armés. D’autre part, Omegalpha n’a jamais connu de guerre ou l’un des belligérants portait une signalétique bien voyante pour être mieux distingué par les pilotes de bombardiers. Le Hezbollah devait sans doute s’habiller en fluo et se mettre à l’écart des villes pour attendre sagement que l’aviation fasse un carton ? Soyons sérieux une minute. D’autre part, ces « lâches » qui se cachent dans la foule comme on a si souvent entendu, ont bien affronté Tsahal au Liban Sud dans des combats terribles au corps à corps, et ce, en dépit de la supériorité numérique et technologique de l’adversaire. Timor Goskel, ancien responsable de la FINUL, ne s’était pas trompé d’ailleurs en prédisant une partie de plaisir aux fantassins (soldats à pied) à l’approche du fleuve Litani (lien Figaro). Le Hezbollah était au rendez-vous.
 
Cette guerre de trop aura été sans doute la plus amère démonstration que l’état hébreu ne peut pas régler ses problèmes en éliminant ses adversaires au sens propre comme au sens figuré du terme. Evidement l’état-major et le gouvernement d’Ehud Olmert vont devoir rendre des comptes sur la campagne militaire désastreuse (« Israël se penche sur le bilan mitigé… », lien Le Monde) mais ils ont dans un même temps, une opportunité politique à saisir. Ils peuvent désormais apporter la démonstration que l’utilisation systématique de la force et de la soumission pour régner dans la région en démiurge arrogant ne fonctionne plus. Cette période appartient au passé, le mythe de la toute puissance militaire s’est effondré (lien Libération Reuters) et l’utilisation de la force a montré ses limites. Ehud Olmert promet de faire mieux la prochaine fois (lien) ? A la prochaine incartade des voisins, quelle sera la réponse forcément supérieure au précédent libanais, une bombe atomique ?
 
 

 
«  Une victoire fracassante de l’armée israélienne aurait plongé dans l’ivresse les tenants de cette force tant admirée »
 
 
Non seulement le choix des armes n’a pas été le bon mais en plus les plans militaires se sont avérés calamiteux. Que dire des dégâts pour l’image d’Israël dans l’opinion publique mondiale, ils demeurent incalculables. Que dire du degré de haine engendré dans la communauté musulmane sinon qu’il a atteint un niveau inégalé, hélas. L’état hébreu a d’ailleurs tort de négliger ce paramètre puisque le boomerang finit toujours par revenir d’une manière ou d’une autre. Ces deux adversaires du jour, le Hamas dans les Territoires occupés et le Hezbollah au Liban sont deux émanations de la résistance contre les agressions subies. Cette aboutissement négatif d’une doctrine militaire et politique, doit se concevoir comme une opportunité pour l’état hébreu et ses voisins de faire table rase des agissements du passé pour trouver une voie moins coûteuse en vies humaines et en pertes, celle du dialogue. « Les délices de la défaite » comme l’indique De Defensa (lien) peuvent porter des fruits prometteurs à condition d’y mettre un minimum de lucidité et de bonne volonté
 
« Gidéon Lévy l’appelle plutôt : “échec”, et c’est pour s’en réjouir, — «  To failure's credit », dans Haaretz, aujourd’hui. Le raisonnement de Lévy, adversaire de la guerre et de la “méthode forte” affectionnée par Tsahal, est limpide. Une victoire fracassante de l’armée israélienne, comme celle qu’on attendait, aurait plongé dans l’ivresse les tenants de cette force tant admirée et les aurait conduits sur des chemins de traverse particulièrement dangereux, — y compris pour la sécurité d’Israël au bout du compte. Au contraire, cet échec débarrasse les esprits trop vulnérables de toute ivresse conquérante sans compromettre la sécurité d’Israël. Tout le monde se retrouve les pieds sur terre ». De Defensa.
 
Il est en effet grand temps de mettre les extrémistes des deux camps sur la touche pour que la région et le monde puissent espérer un semblant de quiétude et d’avenir. La brouille qui se dessine entre le Pentagone insatisfait de la copie rendue par son élève (liens De Defensa) et le bouleversement politique qui ne tardera pas à secouer Israël, sont des opportunités pour redéfinir les objectifs, les priorités et les alliances locales. Le monde soutient Israël face au terrorisme mais ne peut cautionner le terrorisme d’état auquel il a trop souvent recours ni même admettre son « traitement » de la question palestinienne. Le changement politique, une émancipation des Israéliens vis à vis de leurs mentors mal intentionnés du Pentagone, une remise en question profonde et une intransigeante pression de la communauté internationale peuvent accomplir un milliard de fois plus de choses que toutes les arsenaux réunis. C’est un pari difficile mais urgent à accomplir. Comme le souligne Olivier Roy dans le Figaro (lien), il faut à tout prix éviter une alliance entre les forces radicales et extrémistes au Moyen Orient. A condition de ne pas leur fournir d’évidence facile comme celle de la destruction du Liban… On avait déjà bien à faire avec les Territoires occupés ( la " pluie d'été " tombe toujours au fait... ) et l’Irak pour chauffer la dynamo qui alimente les réactions en chaîne.
 

 
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See U
 
CC Jung

Publié dans Omegactualité

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H
Ce bilan, si bien résumé, me laisse sans voix. Tout ça pour quoi ? L'agression israélienne est tellement disproportionnée que je n'arrive vraiment pas à comprendre la volonté des dirigeants actuels. Et j'entends bien peu d'écho de la part de (ce qui reste de) l'opposition là-bas...
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C
L'article que je vais mettre en ligne devrait te donner quelques pistes...