Mauvais calculs mais vrais morts

Publié le par cc jung in effect

Inévitablement, les « bavures » de l’armée israélienne se succèdent... Le carnage de Cana qui vient d'avoir lieu ne va pas arranger le cas du gouvernement Olmert engagé dans une opération d’autant plus absurde qu’elle punit les seuls civils tout en renforçant la milice islamique. Ce qu’il y a de beaucoup plus grave, c’est que cette guerre est déjà perdue pour l’état hébreu dans l’opinion mondiale qui ne pourra plus cautionner cette aventureuse et sanglante campagne. A part cela, Jospin...
 
 
Encore un massacre et encore une sanglante noce de Cana et de Tsahal, cela devient une habitude.... Une nouvelle fois donc, l’armée israélienne s’est distinguée de la pire des manières dans cette petite ville du Liban (liens). Le 18 avril 1996, toujours pour punir ce sacré parti Hezbollah (né de l’occupation d’Israël au Liban en 1982…), l’aviation israélienne s’était déjà illustrée en bombardant des civils réfugiés dans un camps de casques bleus de l’ONU. Cent deux civils (surtout des femmes et des enfants) avaient péri sous les bombes. Cet incident, présenté comme une erreur tragique bien sûr, est ensuite apparu comme un bombardement délibéré grâce à des documents amateurs (lien Wikipédia). En réaction, la bourgade était devenue un bastion du Hezbollah. Elle vient de recevoir la pire des punitions pour ce basculement. Un cycle sans fin d’horreur qui est le symbole le plus éclatant de l’échec de la méthode violente et punitive. Cana vient de subir un nouvel épisode sanglant perpétré par la même troupe joyeuse puisque 51 personnes terrées dans une cave ont perdu la vie (lien). On prend donc les mêmes et on recommence en s’étonnant ensuite de la haine sans cesse entretenue par ces boucheries récurrentes. Israël cherche la paix et se « défend » comme en témoigne cette histoire qui bégaie…
 
Loin d’apparaître troublé par la terrible bavure, le gouvernement d’Ehud Olmert a justifié le carnage en indiquant que les habitants avaient reçu l’ordre de déguerpir en prévision de bombardements futurs. Cette cynique explication ne résiste pas longtemps quand on sait que les convois de réfugiés comme tout véhicule circulant dans la région, sont pris pour cibles par l’aviation et que les routes sont systématiquement détruites et piégées par des charges à retardement… En somme, ces pauvres civils libanais n’avaient d’autre choix que celui de choisir la manière dont ils allaient périr…
 
L’autre argument avancé avec insistance : la ville abritait des miliciens Hezbollah avec leurs roquettes aveugles et destructrices. Ces derniers sont également accusés de se mêler au civils. Selon la logique exposée ici, toutes les villes qui abritent des militants de ce parti seront rasées. Sachant que ce parti politique et sa milice sont partout présents depuis la création de ce parti il y a plus de 20 ans, Israël devrait envisager l’usage d’une bombe atomique pour simplifier la tâche de son armée. Plus de Hezbollah ? Il faut raser le Liban ! Quant à l’argument des boucliers humains, il ne tient pas longtemps puisque le Hezbollah est une milice armée. Elle n’a ni uniforme, ni bases et encore moins une signalétique précise pour se faire gentiment remarquer par les pilotes de bombardiers. Il s’agit tout simplement de civils armés.
 
En attendant, cette seule milice qui défend les Libanais est en train de devenir un symbole de résistance et de courage (lien). Et dire qu’il s’agissait de l’affaiblir. Les stratèges d’Israël sont de piètres démiurges mais de véritables as de la bavure et des récidivistes attentionnés. Comment en effet qualifier autrement cette litanie de dérapages, ceux quotidiens dans les Territoires occupés, ceux à l’encontre des civils et de la FINUL ? La force d’interposition de l’ONU a semble-t-il bien compris le dernier message sanglant envoyé par l’aviation puisqu’elle vient de décider de plier bagages (lien).
 
 

Les plans prévus n’ont pas vraiment fonctionné
 
 
Il est également « amusant » de noter que les Américains jugent que cette énième guerre est une « opportunité » pour modeler à leur guise le Moyen Orient et y apporter la démocratie (Lien le Monde). Il se trouve justement que les deux gouvernements qui subissent les foudres de guerre de Tsahal sont deux gouvernements démocratiquement élus. Cherchez l’erreur. Lorsque les populations arabes ont l’occasion d’exprimer leur opinion, elles mettent au pouvoir des partis islamistes, les seuls garants d’un semblant de moralité dans la gestion des richesses et les seuls à revendiquer une opposition frontale à Israël. Plutôt que de se préoccuper du fonds du problème et en premier lieu de la plaie purulente des Territoires occupés, les « propagateurs de la démocratie forcée » préfèrent une autre option beaucoup plus inventive, celle qui consiste à tenter de briser tous les pays plongés dans un courant islamiste…en renforçant par ses réactions brutales, ce même courant dans l’opinion arabe. Israël secrète ses propres contre-poisons… L’injustice et la violence nourrissent la haine islamiste qui engendre la violence d’état d’Israël qui engraisse le ressentiment arabe et fortifie l’aversion, terrible mécanique. Cette folie compliquée explique sans doute le geste dément d’un américain d’origine pakistanaise (lien).
 
Pour revenir sur un terrain un peu plus politique, il convient de faire un point rapide sur les succès de l’opération militaire engagée depuis le 12 juillet dernier et sur son absurdité tactique. L’offensive israélienne contre le Hezbollah au Liban devait être une formalité pour la prestigieuse Tsahal face à une milice mais les plans prévus n’ont pas vraiment fonctionné, loin de là. L’intense campagne de bombardements calquée sur le modèle américain du «shock and awe » irakien s’est révélée redoutablement efficace à l’encontre…des civils libanais qui constituent l’essentiel des pertes (plus de 650 personnes).
 
En détruisant l’ensemble des infrastructures économiques du pays (usines, ponts, ports, aéroports, dépôts de carburants), en terrorisant la population par des raids incessants et en arrosant le pays de tracts appelant la population à fuir et à rejeter la tutelle du Hezbollah, les stratèges hébreux prévoyaient sans doute une dislocation rapide de l’entité libanaise et une réaction de rejet de la milice islamique dans un pays qui se remet à peine d’une guerre civile interminable. Erreur sur toute la ligne… De plus, les soldats prisonniers de Tsahal sont toujours retenus. A part la destruction du Liban, quelle est le bénéfice pour l'état hébreu ?
 
L’ampleur même des destructions et des pertes civiles, le choix délibéré de « taper » dans les rouages essentiels pour l’économie du pays et la désignation du seul Hezbollah comme catalyseur de la crise a eu l’effet inverse que celui escompté. Un article remarquable de De Defensa (« L’Europe et son complexe », lien) nous apprend ainsi qu’un sondage effectué par un institut de Beyrouth livrait un étonnant renversement de tendance depuis la réaction disproportionnée de l’irascible voisin.
 
Soutenu par 29 % de la population libanaise en février dernier, le parti islamiste chiite culmine depuis les évènements à 87 % d’opinions favorables. « More striking, however, is the level of support for Hizbullah's resistance from non-Shiite communities. Eighty percent of Christians polled supported Hizbullah along with 80 percent of Druze and 89 percent of Sunnis. ». Traduction simple, le Hezbollah chiite bénéficie désormais du soutien massif des autres couches ethniques du Liban (chrétiens, sunnites, druzes). Bref, tout le pays du Cèdre est derrière la milice qui fait plus que résister à l’envahisseur, une réaction normale finalement. Le carnage de Cana devrait encore booster l’audience de ce parti.
 
 

 
 
Le parti islamiste chiite est passé de 29 % à…87 % d’opinions favorables
 
 
Conçue pour disloquer et discréditer le parti Hezbollah et sa milice, l’attaque israélienne est paradoxalement en train de lui donner une légitimité nationale et un prestige encore plus éclatant (lien « Soutien croissant au Hezbollah » -AP  ). D’autant que la branche armée de ce parti ne se contente pas d’invectives et de gloriole mais résiste réellement à l’avancée de l’armée israélienne en balançant au passage, des roquettes qui tuent d’innocentes victimes. Ultime analyse de la situation, l’emploi systématique de la force pendant prêt de 60 années par l’état hébreu lui a permis d’imposer ses vues, de se tailler des morceaux d’états voisins et d’affirmer sa puissance militaire tout en générant son corollaire, une impopularité immense et un ressentiment ancré dans les générations successives de la communauté arabe. Sacré bilan qui laisse augurer d’un avenir radieux et d'une intégration réussie dans la sous-région...
 
A part cela ? Jospin is back (lien bien grinçant)! Faut-il en rire ou en pleurer ? Celui que les Français n’ont pas voulu malgré un bilan remarquable (un million de chômeurs en moins, une économie florissante, une bonne gouvernance), revient par la petite porte. Celle qu’il a claqué dans un mouvement d’humeur assez théâtral qui se voulait définitif. Depuis, le fantôme de l’opéra réapparaît ici et là en s’imaginant un nouvel accident de l’histoire politique pour le porter au pinacle, en dépit des évidences de son rejet y compris dans son propre camp. Dans cette affaire là, ce qu’il y a de plus incroyable n’est finalement pas le fantasme présidentiel entretenu par Lionel Jospin mais le fait qu’un certain nombre d’élus socialistes partagent ce rêve éveillé ou ce cauchemar stratégique. Proposer un spectre face à la locomotive démagogue de Sarkozy ou comment être sûr de... perdre. Le combat électoral à venir s’annonce rude et difficile, raison de plus pour botter en touche ceux qui sont complètement à côté de la plaque.
 
 
 

 
Liens :
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Jospin a dix amis (L’Express)
 
 
 
See U
 
 
CC Jung

Publié dans Omegactualité

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
H
D'après "20 minutes", on en est à + de 800 morts depuis le début de l'opération israëlienne. Et la guerre de l'image, prédominante aujourd'hui, est déjà perdue au profit d'un Hezbollah jouant les victimes...Pauvre Jospin, 10 amis c'est bien peu ! Mais que croient-ils, ceux-là, puisqu'une candidate se détache nettement et caracole dans les sondages ? Qu'elle n'est pas à la hauteur ? Il fallait y penser avant, dans le processus de désignation du candidat !
Répondre
C
Il y a un édito du Monde consacré à la guerre de l'image que je m'empresse de rajouter à mon article du jour. Tu as raison, la guerre de l'image est perdue depuis bien longtemps en fait. Pour Jospin, je trouve cet épisode surréaliste ou dadaïste au choix mais la perspective de voir Sarkozy au pouvoir m'a ôté tout sens de l'humour... Merci pour ta fidélité de lecteur.