L’état de grâce avant le coup de grâce

Publié le par cc jung in effect

A l’heure où l’on annonce une marée bleue pour les Législatives, il convient de s’arrêter un instant sur le fameux « état de grâce » du nouveau président qui ressemble à un véritable conte de fées si l’on en croit la presse enthousiaste et veule. Tel un monarque facétieux, notre nouvel élu continue sa frénétique performance de transformiste en endossant tous les costumes à disposition pour occuper encore et toujours le devant de la scène. Premier flic de France toujours, ministre de tout, génie autoproclamé, Kennedy français d’AB production, jogger stakhanoviste, playboy de poche, le plus branché des people virevolte comme une fourmi ivre pour mieux endormir son auditoire béat et asseoir définitivement son emprise impériale. Quelques échos fusent quand même des coulisses qui annoncent des lendemains difficiles pour la plèbe qui s’avère bon public, comme envoûtée par l’imposteur habile.
 
 
Ainsi donc la France, celle qui attendait les jambes flageolantes que l’on la prenne comme le supputait l’autre prétendant (le poète Fin Amor De Villepin), a un nouveau Président. Voilà la sotte enfant pubère conquise et la lune de miel n’en est que plus belle (liens Reuters – AP sur les sondages et les réformes accueillies favorablement). Tel un conte de fées médiéval, le farfadet, le lutin, le troll s’est transformé en un prince charmant sous l’effet d’une gigue magique et ininterrompue depuis des années après avoir aplati les Sarrasins comme une crêpe. Enfin, c’est ce que prétend la légende enjolivée par les troubadours cathodiques. Le voilà qui trône désormais sur ses joyeux sujets, du haut de son escabeau royal et de ses poulaines gigantesques.
 
Le souverain distribue généreusement les comtés, les domaines, les seigneuries (lien Libération – Devedjian), les blasons et toutes les instructions nécessaires pour que la bourgeoisie prospère. Comme autrefois au Conseil, le Roi nomme les administrateurs, éloigne les insoumis, récompense les courtisans (lien Attali), donne ses mandements, reçoit les émissaires, rédige les ordonnances, écoute le Conseil d’en-haut, jauge les recommandations du chancelier, du surintendant, des maîtres de requêtes avant de trancher comme une épée de Damas. Cet ancien Prévôt (lien Le Monde sur les nominations orientées à la Police) a l’œil inquisiteur et se démène comme un beau diable pour être partout à la fois comme un furet insaisissable. Point besoin de chercher dans les pages du Malleus Maleficarum pour comprendre qu’il y a un sortilège puissant qui a envoûté les sujets, il suffit de voir leurs farandoles, leur gaieté et leur insouciance légère à l’heure des greniers vides et des ventres creux.
 
 

Néo by DJ CC Jung

On peut parler carrément de miracle chiffré pour les statistiques
 
 
Telle pourrait être la fable qui est en train de s’écrire sous nos yeux s’il fallait se fier aux titres des journaux et aux rumeurs du bruit médiatique qui nous englobent dans une bulle ouatée. Voilà un cocon soyeux que les médias tissent à longueur de journée le temps d’un vote avant que le subterfuge se dissolve dans un tintamarre assourdissant. Tout va bien pour le moment, le moral est bon, la météo merveilleuse, l’économie est florissante et notre pays s’est soudainement transformé en un royaume magique tout comme l’elfe disgracieux. Votons donc en masse pour que ce miracle bleu perdure même si cette ivresse totalement artificielle annonce des réveils terriblement douloureux pour ces gogos qui se gaussaient des…bobos. Le premier maléfice pourrait concerner le chômage qui défie toutes les lois économiques, la logique même et la réalité. Bien évidemment, le vieillissement de la population et la mise à la retraite de la génération des baby-boomers induisent une baisse mécanique du nombre des demandeurs d’emploi mais on peut parler carrément de miracle chiffré pour les statistiques publiées par la communication gouvernementale et reprises gaillardement par le tambour médiatique.
 
Peu importe que les organismes européens réfutent ces chiffres, peu importe que les professionnels de l’emploi crient à l’imposture, peu importe également que les statisticiens ne cautionnent en aucune manière ces fantaisies numériques, le gouvernement persiste et signe sa mascarade bleutée. Qu’est ce qu’un chiffre après tout ? Une abstraction ? Un mirage ? Un signe ? Un héritage historique des « ghubârs » arabes ? L’état a sabré dans les effectifs de la Fonction publique comme jamais (Lien Figaro) et les entreprises allègent leurs effectifs et délocalisent furieusement (lien Le Monde sur Jallatte) pour alourdir la besace ventrue des actionnaires (lien Le Monde sur le Crédit lyonnais) ? Et bien figurez-vous que dans la France d’après, plus on licencie et on précarise et plus l’emploi s’améliore. La preuve ? Une nouvelle baisse du chômage est annoncée (lien Nouvel Obs), une embellie durable si l’on en croit le Figaro (lien). Le Sarkosysme qui recycle la xénophobie et le cynisme de classe, dissout également le mal endémique du non-emploi (lien Agoravox). Même la Bourse enfle de bonheur (lien Libération) et se délecte d’avance à la pensée de ces millions d’heures supplémentaires que le patronat pourra escamoter le plus légalement possible (liens AFP – Le Monde). C’est ici que le slogan de campagne prend tout son sens : tout devient possible, même l’exploitation encouragée…
 
Autre miracle récurrent, celui des comptes de la Sécurité Sociale qui se portent presque aussi bien que les chiffres de l’insécurité… De plans drastiques en coupes claires dans les budgets de médecine préventive, de forfaits majorés en prises en charge a minima du patient-client, le navire Sécu s’enfonce lentement mais sûrement dans la vase des déficits chroniques pour cause de gestion calamiteuse (lien Le Monde). Un sabordage en règle. A force de vouloir ménager la chèvre et le chou (lobbys médicaux divers et puissants, mutuelles, groupes pharmaceutiques), à force de tâtonnements et de contradictoires mesures, cet acquis social se transforme inéluctablement en un système erratique en voie de privatisation pour le plus grand bonheur des ultralibéraux qui voient s’ouvrir un nouveau marché. Ainsi va la mondialisation, ce cache-nez du capitalisme sauvage, toutes les spécificités locales, fruits d’une histoire particulière et de longs combats sociétaux, s’estompent pour laisser place à une économie de marché qui bénéficie encore et toujours à la même élite au détriment de la majorité. L’Europe, au départ un projet politique, ne fait qu’accentuer d’ailleurs cette mutation toxique au lieu de constituer une alternative originale à l’américanisation forcée de la planète (lien Questions critiques).
 
Point de déprime pourtant à l’horizon puisque le souverain veille à tout et agit pour le plus grand bonheur de ses sujets reconnaissants. Les ministres craintifs et obséquieux ne savent plus vraiment sur quel pied danser et la farandole de leurs déclarations montrent bien leur valse hésitation (lien Le monde). Le « ravi du Quai » en transe pourrait même être le premier débarqué à la prochaine escale politique. « Kouchner le fantasque a cet avantage d’être connu pour ses lubies, et de pouvoir être désavoué à tout moment sans grande casse. C’est le ministre jetable idéal, celui dont on sait pouvoir dire qu'il a la fêlure dans le cigare, comme dit Charpin dans Le schpountz, celui à qui précisément l'on va faire croire qu'il est ministre des affaires étrangères. » persifle déjà Jean-Philippe Immarigeon (lien American parano). Celui qui devrait être sur des charbons ardents, l’ami Lagardère empêtré dans le scandale Airbus, parait quant à lui, étrangement paisible et rasséréné. Il bénéficie de la protection royale et donc divine chuchote la cour bien informée (liens Monde Diplomatique – Nouvel Obs). Peu de gens par contre prêtent attention au soliloque délirant du sieur Besson sur la place du marché, le fol reçoit tout juste quelques deniers des vrais chrétiens compatissants et pris de pitié (Lien Libération)…
 
 

Mirages by DJ CC Jung

Une plate-forme d’écoutes généralisées de sa propre population
 
 
Autre sujet sensible, la paranoïa d’état qui constitue finalement le vrai programme de Nicolas Sarkozy comme tout « néo-cons » qui se respecte. C’est la conséquence logique lorsque l’on se sert de la « stratégie de tension » pour mieux manipuler son opinion publique. En allumant des contre-feux de haine et de suspicion qui servent de diversion et permettent d’escamoter les véritables foyers de tension, l’imprécateur joue avec le feu en permanence. L’Etat vient donc logiquement de mettre en route une plate-forme d’écoutes généralisées de sa propre population qui n’est pas sans rappeler le scandale du NSA…aux USA bien sûr (lien Agoravox). Pour ancrer le plus tôt possible dans les esprits cette idée du marquage et du fichage, les parents d’enfants scolarisés peuvent désormais adopter le système de GPS pour tracer leurs progénitures (lien Libération). Prodige de la communication et de la propagande, ce sont les chiens eux-mêmes qui payent pour se faire tatouer et mettre un collier émetteur pour que le maître puisse les contrôler plus aisément. Les parents se transforment en parfaits indicateurs, très tendance finalement dans la France d’après. Voilà une avancée majeure en terme de civilisation, de progrès et de liberté, c’est bien ainsi que sont présentés les bienfaits de la biométrie, le nom scientifiquement correct pour évoquer le flicage à la mode « 1984 » qui gagne du terrain inéluctablement.
 
Il n’y a pas que le grand Néron texan qui sert de modèle patenté au nouveau souverain, ce serait oublier l’ami Blair qui a eu du nez en matière de communication politique (lien Robert Frisk – questions critiques). Comme le précise Patrick Jarreau du Monde (Lien), l’ère est désormais à la cuisson à l’étouffée de l’opinion publique, la pression ne retombe jamais puisque la campagne d’intoxication est devenue permanente. On lira à ce propos, le très édifiant article publié par le site portail Mondialisation sur les barbouzes qui ont joué leur partition sécuritaire dans les banlieues avant de rajouter une couche explosive si le besoin s’en fait ressentir (lien). Pour faire passer l’équivalent du « Patriot act » par exemple…Voilà une analyse édifiante des journalistes étrangers que vous ne lirez nulle part dans les colonnes de la très courageuse presse française.
 
 

La toile by DJ CC jung

Une sorte de sublimation technique de l’imposture
 
 
En fait de nouveauté, l’élection de Nicolas Sarkozy annonce une sorte de sublimation technique de l’imposture que l’on nomme la communication pour ne pas utiliser de gros mots comme propagande ou intoxication massive. Ce ne sont pas les acteurs qui changent (lien Le Monde sur le renouvellement factice du personnel politique) mais le texte, l’intonation (grandiloquente, à la hauteur du personnage en somme) et les effets de manche qui sont exagérés à l’extrême. Voilà donc Nicolas Sarkozy qui communique tout le monde en s’arrogeant tous les domaines de la pensée, de l’émotion et de l’actualité pour mieux régner dans les esprits tel un démiurge subliminal. L’écologie est à la mode ? Voilà Nicolas Sarkozy qui arrache le flambeau de la lutte contre la dégradation climatique des mains d’un Al Gore sans doute interloqué (lien Reuters – Libération) avant de décrocher le combiné pour blablater avec Bono de cette Afrique dont il ne veut pourtant pas entendre sur le sol immaculé de la France (lien Reuters – Libération), question de conception sans doute et d’identité nationale sûrement quand on connaît le monarque d’origine hongroise (liens le Monde sur le ministère de l’identité nationale et les naufragés). Al Gore, Bono, cela en met plein la vue non, c’est nettement plus hype que Mireille Mathieu, Enrico, Jane Manson et Pascal Sevran, l’eugéniste animateur.
 
Et pour finir ? Nos amis militants de la Police qui ont grandement contribué au reformatage de l’opinion selon les mots du génie court sur pattes. C’est d’abord un rapport issu des associations qui dénonce l’impunité totale des policiers (lien AFP). Rien de nouveau certes mais juste une confirmation. Voilà nos forces de l’ordre, ceux qui luttent si âprement pour faire régner la paix et la sécurité dans les beaux quartiers, ceux qui s’activent si ardemment pour que les puissants puissent jouir sans entraves du travail de la populace laborieuse, qui sont devenus des vecteurs…d’insécurité (lien Libération). Rien de nouveau là aussi puisque le sentiment de peur et d’oppression est le corollaire nécessaire d’une politique ancrée largement à l’extrême droite de l’échiquier politique même si les paillettes font encore un peu illusion. La matraque pour les métèques, c’est défendre un peu de cette identité nationale un temps délaissée après les réjouissances du métro Charonne (lien Wiki)…
 
La bamboula se déroule désormais plutôt du côté du 93 dans une ambiance d’électro-taser et de ball-trap (lien AFP). Bien que largement mis à contribution, notre vaillante maréchaussée ne dédaigne pas faire quelques heures supplémentaires pour la cueillette saisonnière des melons, il convient de saluer la prouesse patriotique (lien Le Monde sur les heures supplémentaires de la Police). C’est sans doute pour alléger leur lourd fardeau que le gouvernement Sarkozy a décidé de mettre en place un système de peines automatiques comme…aux USA qui ne donnera rien en terme d’amélioration de la sécurité mais qui remplira les prisons de maures vivants et de gueux insoumis pour faire place nette à la cour (liens Le Monde – AFP). Il faut que les choses soient claires une bonne fois pour toutes, on ferme son clapet dans les cages bétonnées en périphérie, on mange de la m… génétiquement modifiée pour faire plaisir à l’entreprise américaine Monsanto (lien Reuters) et l’on se montre flexible pour le tonfa et le MEDEF. Et dire qu’il y a de pauvres malheureux qui risquent chaque jour leur vie pour accoster nos états-prisons cuirassés de peur et de rancœur (Liens AFP- Le Monde sur les naufragés). Il se pourrait bien que l’on canote gaiement dans l’autre sens dans quelques années pour fuir des mégapoles invivables hantées par des vieillards frileux, des terroristes fantomatiques et des milices méritantes. La roue de la fortune si chère à Boèce finira bien par tourner un jour. Gageons que le vieux peuple d’Afrique se montrera plus hospitalier, il ne lui reste plus rien si ce n’est le plus beau des héritages, ce zeste d’humanité.
 
 

 
Liens :
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

L'EUROPE A-T-ELLE BESOIN DE RÉFORMES NÉOLIBÉRALES ? — Micha Panic (Questions critiques)
 
 
 
 
Le ravi du Quai (American Parano - Jean-Philippe Immarigeon)
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
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CC Jung
 

Publié dans Omegactualité

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