Une espèce en voie de disparition, les journalistes

Publié le par cc jung in effect

L’année qui vient de s’achever aura été terrible pour les journalistes puisque ces professionnels de l’information sont désormais clairement en ligne de mire. Enlevés, torturés ou complaisamment embarqués (embedded), ils ne sont plus que l’un des rouages de la formidable entreprise de désinformation qui sévit dans nos démocraties viciées. Dans un monde d’illusion et de communication, ces plumitifs ressemblent de plus en plus à de rares vigies noyées dans le brouillard qu’il est préférable d’acheter ou…d’abattre pour ne pas entraver la machine propagandiste qui ronronne en continu. Le 11 septembre 2001 avec sa fumeuse lutte contre le terrorisme a sonné le glas d’une certaine liberté de la presse au nom d’un état d’urgence fictif qui permet surtout de mettre hors d’état de nuire les gêneurs. Pas moins de 81 journalistes sont restés sur le carreau cette année. Triste bilan qui en dit long.
 
 
"Personne n'aime le messager porteur de mauvaises nouvelles" (Antigone de William Shakespeare) et l’on pourrait presque ajouter : surtout si l’on préfère entretenir le flou de l’illusion et du mensonge pour mieux masquer la réalité… Les messagers porteurs de mauvaises nouvelles dans notre société surinformée (en apparence) sont bien évidemment les journalistes qui payent un lourd tribut en tempérant la communication (la propagande) qui est devenue un mode de gouvernance et de manipulation de masse dans nos sociétés dites « évoluées ». Tout est désormais lié à la communication, un art subtil et grossier à la fois, qui consiste à fabriquer de l’information et de l’événement de manière à orienter l’opinion publique. En clair, il s’agit de maquiller le réel (le brut informatif) pour faire apparaître un message nouveau plus conforme à l’image que l’on souhaite donner (gouvernements, institutions, personnes connues, partis politiques, idéologues). Dans ce maelström de messages, de prêt à penser, d’intoxication et de manipulation, le journaliste occupe une place particulière puisqu’il est l’un des rouages essentiels de la machinerie. Il peut se comparer à un filtre capable d’éclaircir le magma informatif pour en extraire l’essentiel, un guetteur légèrement en hauteur qui saurait voir plus loin que le nuage de poussière soulevé par l’agitation momentanée ou une vigie capable d’alerter son monde en cas de défaillance avérée du politique et de la gouvernance.
 
Cette fonction d’intermédiaire obligé et de passeur de l’information a fait des plumitifs des nouvelles cibles pour tous les cabinets noirs nichés au cœur de nos démocraties chancelantes qui préfèrent délivrer le message mensonger sans réel risque de distorsion ou de correction. Celui qui informe (journaliste) peut en effet difficilement s’acoquiner avec celui qui a pour seule idée fixe…de désinformer l’opinion (cabinets noirs, agences de communications, lobbysmes, leaders d’opinion) même si la frontière entre le journalisme et la communication est en train de se dissoudre à vue d’œil.
 
L’exemple de la campagne médiatique de l’administration Bush pour transformer l’Irak en un substitut pratique à l’insaisissable Al Quaeda nous donne une bonne indication de l’évolution du métier de journaliste et de la toute puissance affirmée de la communication qui bénéficie de puissants relais et de moyens étatiques démesurés. En dépit du plus élémentaire bon sens, la machine de guerre de l’administration Bush a « vendu » à l’opinion publique américaine une ribambelle d’inepties, de contre-vérités manifestes et de délirantes informations sans que le quatrième pouvoir (la presse) ne puisse stopper le bulldozer de la propagande en marche. En deux temps et trois mouvements, le pays de feu Saddam Hussein était devenu un allié d’Al Quaeda (une aberration), un fournisseur officiel d’armes de destruction massive pour tous les terroristes du monde et une armée du mal surpuissante qui menaçait l’Amérique de missiles bactériologiques et nucléaires. Autant d’informations ahurissantes qui sont passées comme une lettre pleine d’anthrax à la poste (voir « Un petit flash-back impérial », Ressources du site)…
 
 

 
 
Une formidable machine de guerre médiatique
 
 
Il faut dire que les capitaines d’industries et les multinationales ont très vite compris l’intérêt stratégique que représentaient les organes de presse en rachetant les titres et les groupes de presse afin de les contrôler et surtout, de s’en servir ! Ainsi, la campagne d’intoxication massive de l’opinion publique mondiale à propos de l’Irak doit beaucoup à l’efficacité du groupe de presse du magnat australien Rupert Murdock. Les 175 journaux qui appartiennent à ce conglomérat et sa chaîne de télévision (Fox News) se sont pliés en quatre pour faire avaler la pilule sous toutes les latitudes (Australie, Royaume Uni, USA). Foncièrement néo-conservateur, proche des « faucons » du Pentagone et de Tel-Aviv, le milliardaire australien a fait la plus éclatante démonstration que la propagande qui emprunte la logistique et le pouvoir de résonance des média, peut noyer le citoyen sous un déluge de…désinformation avec succès.
 
L’exemple du marchand d’armes et capitaine d’industrie Serge Dassault (en France), est tout aussi significatif puisque son groupe SOCPresse est une formidable machine de guerre médiatique régulièrement épinglée par Omegalpha pour sa désinformation éhontée (voir ressources du site). L’impressionnant réseau médiatique qui travaille dans l’ombre pour imposer le candidat populiste Nicolas Sarkozy couvre un plus large spectre encore avec des connivences parfois inattendues. Que dire de l’hurluberlu italien, le Silvio du village, qui a littéralement transformé l’Italie en une télécratie kitch et vulgaire en verrouillant tout l’appareil médiatique de la péninsule. Les Italiens ont quand même fini par tourner le bouton et la page après des années d’errance et de burlesque.
 
Autant de raisons pour distinguer le vrai journaliste, celui qui freine la manipulation de masse en transmettant la véritable information, celui qui prend le risque d’accomplir son devoir sur des terrains difficiles (état de guerre, terrorisme) en dépit des représailles des services camouflés derrière des groupuscules (meurtres, enlèvements, tortures). Autant de raisons de saluer bien bas celui qui n’a pas vendu son âme à tel ou tel lobby puissant et qui continue d’exercer sa profession avec rigueur et vertu. Il faut dire que l’exercice du journalisme est devenu encore plus ardu depuis l’avènement de la fameuse lutte contre le terrorisme qui s’apparente très souvent à une guerre contre l’information selon le principe très clair que celui qui n’est pas avec nous (sous-entendu complice de la manipulation) est…contre nous. Cette guerre de l’ombre a été particulièrement meurtrière cette année pour la profession (liens Le Monde – Libération Reuters).
 
Ainsi, le conflit irakien a fait plus de journalistes victimes que pendant toute la longue guerre du Vietnam. Ce qui s’y passe est tellement sale et le mensonge de l’administration Bush a été tellement porté au paroxysme que les officines ont fait feu de tout bois pour tenter d’étouffer la réalité du terrain. En vain finalement. Pas besoin pourtant d’aller très loin pour risquer sa peau comme en témoigne cette histoire d’un journaliste polynésien disparu qui enquêtait sur la mafia tropicale qui travaille pour le compte du parrain UMP local (liens). Les témoignages nouveaux devraient permettre la réouverture d’une enquête on ne peut plus incomplète et bâclée. Voilà une affaire qui apporte un éclairage plutôt inquiétant sur les us et coutumes d’une classe politique polynésienne trouble comme en témoignent les révolutions de palais qui se succèdent (lien Libération).
 
 

 
 
La consanguinité entre les politiques et les journalistes tourne parfois quasiment à la relation incestueuse
 
 
On lira également avec intérêt l’article du Monde qui nous raconte comment la manipulation de l’information et des images est une chose aisée avec des faux talibans et des vrais lapins (lien). On notera au chapitre des flagrants délits de connivence, la consanguinité permanente entre les politiques et les journalistes qui tourne parfois quasiment à la relation incestueuse d’un point de vue éthique (lien sur Marie Drucker, Le Monde). Il sera toujours utile de jeter un œil sur les poncifs à propos du journalisme à l’heure d’Internet du grand professionnel Elkabbach, celui qui a un DRH renommé en la personne de…Nicolas Sarkozy. Ne manquez surtout pas la prose militante de Serge Dassault en personne qui nous ressort les sempiternels arguments sur la défense…de l’emploi, les entreprises broyées par les impôts et tout le reste en oubliant de dire les bénéfices records de l’année écoulée, la casse méthodique du droit du travail et tout le reste (lien Figaro).
 
Un refrain entêtant qui se pare comme à chaque fois de la vertu du chantage à l’emploi pour prétendre à toujours plus de capitalisme sauvage. Ne plus entraver les entreprises dans leur quête effrénée des bénéfices a toujours été un vecteur d’emplois stables et durables et la déréglementation du code du travail a toujours servi à défendre les intérêts de l’employé. Nous le savons tous. Voilà là une des plus surprenantes révélations de la propagande : plus c’est gros et plus cela marche. Etonnant, non ?
 

 
 
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Mes meilleurs voeux pour 2007 par Serge Dassault (Figaro).
 

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Publié dans Omegactualité

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