Le bruit et l'odeur de la campagne
Plus que quelques heures nous séparent de l’investiture officielle du candidat socialiste, une raison supplémentaire pour les adversaires et néanmoins « camarades » de se porter les derniers coups bas. Vidéos sur Internet, petites phrases assassines, sous-entendus déplacés, la campagne socialiste assimilée à des primaires, s’est vite transformée en un infâme pâté de campagne et en une battue pour traquer la gazelle esseulée. Voilà qui n’est pas pour déplaire au candidat UMP qui n’a pour argumentaire que de renier son action passée (la rupture) et d’en mettre plein la vue au « bon peuple » qui patauge dans les difficultés et la précarité. Le candidat préféré du MEDEF et du patronat promet plus d’égalité et de justice avec un cynisme et un aplomb hallucinants. Vous êtes priés de le croire sur parole…
La tambouille électorale commence à mijoter doucement et le délicieux fumet qui s’en dégage ne laisse aucun doute sur le menu qui se prépare : des plats bien lourds, bien indigestes, une fricassée de gibier musqué, les bas morceaux sans doute et la soupe populaire certainement. Ainsi donc, des vidéos circulent sur internet à grande vitesse (lien Le Monde), des extraits de débat de Ségolène Royal qui s’attaque au mammouth de l’Education nationale, suprême erreur tactique. La belle affaire imaginaient donc les détracteurs anonymes et très courageux, voilà une opportunité à saisir, un bout de gras bien glissant à glisser sous les hauts talons de celle qui culmine dans les sondages. En fait de gras, le mammouth en question est passé par la case UMP avec régime amaigrissant accéléré, diète forcée et tonte budgétaire de rigueur. Depuis, le bestiau fait désormais peine à voir, une vraie outre vide et flasque qui fuit de partout. Pas de quoi tailler des croupières finalement.
Le but de la manœuvre était limpide, il s’agissait de précipiter la gazelle effarouchée dans un magasin de porcelaine, histoire de fissurer la belle et lisse image de l’icône à quelques jours de l’investiture du candidat par les militants. Le tir croisé des éléphants du P.S, les chausses-trappes en nombre et l’espèce de consensus pour dégommer l’intruse semblent néanmoins avoir un effet limité dans le temps auprès de la base militante (lien Nouvel Observateur) tout en facilitant grandement l’entreprise de démolition prévue par Nicolas Sarkozy et son staff. Même plus besoin de lancer des piques et autres polémiques puisque l’état-major du P.S en a plein le carquois à l’encontre de cette postulante inespérée pour le parti encore sonné par la précédente bataille.
Après la droite la plus bête du monde, bienvenue à la gauche la plus stupide qui soit, celle qui organise des débats en espérant le faux pas de la danseuse, celle qui diffuse des vidéos se voulant compromettantes, celle qui taille sans répit un costard à la candidate en tailleur, celle qui prétend représenter une gauche plus moderne mais qui tient un discours poussiéreux envers la seule femme candidate (Dominique Strauss Kahnn : « elle aurait mieux fait de rester chez elle au lieu de lire ses fiches de cuisine » lien Le Monde). Le même gentleman vient d’ailleurs de persévérer (lien Libération). Le seul gourmand qui se pourlèche les babines devant le spectacle de cette peu ragoûtante cuisine interne, c’est Nicolas Sarkozy, le transformiste en chef de la troupe UMP. Elle n’en espérait pas tant cette belle cohorte qui a vogué de flops en flops, de bides en bides et de déconvenues en coups de force autoritaires. La concurrence se déchire à belles dents dans les coulisses avant la représentation, une aubaine.
Le bonimenteur grimaçant qui vend du vent et de la peur
Il se dit un peu partout que le petit champion qui espère être à la hauteur, ne serait pas contre l’investiture de Ségolène Royal, un mets de choix pour notre empereur de poche aux dents longues. Il compte, comme l’imaginaient sans doute les éléphants que l’on entend à présent barrir de dépit, ne faire qu’une bouchée de la fragile gazelle, lui le carnassier, lui le bonimenteur grimaçant qui vend du vent et de la peur pour refiler sa camelote idéologique périmée et estampillée « Made in USA, 100 % néo-cons ». Mais la proie pourrait s’avérer plus retorse que prévu pour peu que le terrain de jeu s’y prête, celui du bilan de ce gouvernement qui a exercé les pleins pouvoirs sans réelle opposition, celui d’un aréopage médiocre qui a été élu pour résorber la fracture sociale et qui a agrandi dangereusement la faille, celui qui nous a donné les émeutes, la facture sociale de sa politique en quelque sorte. Seul Juppé semble figé, droit dans ses bottes, pour dire que tout marche du tonnerre dans ce pays (lien). Il doit sans doute souffrir d’un rhume du cerveau québécois et persistant. Le meilleur d’entre nous vit dans le meilleur des mondes, tant mieux !
Le tour de passe-passe va consister à esquiver les responsabilités pour le président de l’UMP, c’est bien le sens de sa subtile campagne de « rupture », se délester gentiment d’un calamiteux exercice du pouvoir en promettant de réussir ce que l’on a copieusement raté avec des circonstances favorables inouïes (les 82 % de suffrages !). Il suffira de ressortir le bon vieux thème de l’insécurité, ce bouclier qui sert à cacher les rois nus, un peu de terrorisme, un peu de banlieues, beaucoup de mots d’ordre (tolérance zéro, reconquête des territoires d’outre-périph, travail, famille, patrie, délinquants repérés… à la maternelle, du classique), quelques symboles forts comme la remise en liberté de ce commerçant flingueur absous par la grâce presque présidentielle. Ajoutez- y des imprécations à tout va qui se voudront gaulliennes et inspirées dans des salles surchauffées, des flonflons, des tongs, des best-sellers de l’inspiré et un peu de romance façon « gloire et beauté » et le vilain tour sera joué. Pauvre Général de Gaulle d’ailleurs, modèle déposé de grandeur et de droiture, convoqué à tous les raouts d’une droite orpheline d’idées, de figures et de projet politique. Comme le susurrait perfidement un fin connaisseur de la chose politique, à cette heure, il ne se retourne plus dans sa tombe, il est transformé en centrifugeuse !
C’est donc bien pour recentrer le débat sur les bonnes vieilles « valeurs » de droite que le sémillant Jean-Marie Le Pen se doit de figurer à la table des convives pour ramener la conversation sur les sujets convenables de nos jours entre gens biens (montée dans l’opinion des thèmes sécuritaires – lien AFP). Les maires UMP sont donc priés de signer à tours de bras des cartons d’invitation (lien l’Express) pour le roitelet borgne et salissant et tant pis si l’on facilite la tâche à celui qui fait…tâche brune dans le casting.
D’ailleurs le vent nous ramène de drôles d’effluves des coulisses, là où se concoctent des images de propagande complaisamment diffusées par nos média (Lien Libération), des « sujets » livrés clefs en main aux rédactions qui mettent en scène le triomphal populiste à coups de travellings savants et de contre-plongées vertigineuses. Le traître le plus célèbre de France doit briller de tous ses feux. Non seulement notre bonhomme enfile allègrement les costumes (ministre, président, candidat, démagogue, truqueur de statistiques, comédien lamentable, fan transi de Bush l’illuminé, etc) mais en plus il se charge du son et des lumières pour mieux nous en mettre plein les mirettes. En fait, de la poudre aux yeux pour mieux maquiller le vide sidéral de baudruche hystérique.
Et que personne ne vienne enrayer la belle fanfare qui joue à tue-tête pour mieux engourdir les badauds hébétés, une journaliste de l’AFP qui avait « couvert » le happening des Mureaux s’est fait arracher les plumes en dévoilant les méthodes de la compagnie costumée de Sarkozy (lien Acrimed). Drôle de conception de la démocratie et du rôle dévolu aux journalistes, ils ont désormais le devoir républicain de lustrer les pompes à talonnettes et les rangers réglementaires…
Ils pourront toujours attendre la rupture de Nicolas tout comme ils ont attendu la fracture sociale de Jacques Chirac
Elle doit bien être une des dernières à ne pas avoir reçu de « consignes » car notre bonhomme possède un formidable réseau, une immense toile d’araignée qui réagit au moindre frémissement du vent pour camoufler ce qui doit l’être et pour instaurer son éminence comme une évidence, pour en faire le seul recours pour sortir de la « crise », celle mise en œuvre par lui et ses amis. Patrons de presse, industriels, chefs d’entreprises, intellectuels institutionnels, tous votent Sarkozy comme une seule voix, celle du MEDEF. Il est bien le seul à garantir la poursuite de la folie prédatrice de l’ultra libéralisme tout en assurant des matraques pour les récalcitrants esclaves. La France d’en haut, celle qui s’en est sortie plus que bien sous la férule de l’état UMP, n’a surtout pas envie que la fête s’achève, l’appétit vient en mangeant.
Pour les autres, ceux qui rament à contre-courant pour se faire soigner (lien Le Monde), ceux qui sont priés de croire aux rêveries échevelées et burlesques de Thierry Breton sur la hausse du pouvoir d’achat (lien Le Monde), ceux qui se retrouvent à la rue de plus en plus fréquemment (lien Nouvel Observateur), ils pourront toujours attendre la rupture de Nicolas tout comme ils ont attendu la fracture sociale de Jacques Chirac. En mangeant des pommes par exemple ou des OGM, en écoutant Doc Gynéco ou en se racontant les histoires belges de Johnny Hallyday le défiscalisé. La croissance est nulle au troisième trimestre (lien) ? C’est donc le signe que nous sommes sur la bonne voie, voyons ! Voilà une raison supplémentaire de reconduire l’attelage qui nous a conduit dans l’ornière, un vrai lit douillet pour la…chienlit. Que demande le peuple ?
Liens :
DSK se défend face à Ségolène Royal et contre-attaque (Libération – Reuters)
L'illusoire repérage des délinquants dès la crèche (Libération – Reuters)
Le Pen parrainé par des maires UMP? (L’Express)
Sarkozy des deux côtés de la caméra (Libération)
100 emplois supprimés à Libé? (L’Express)
Disciplinés et irradiés mais pas indemnisés (Le Monde)
Abidjan pourrit sur pied (Le Monde)
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CC Jung