La presse lorraine est hardie
C’est donc dans les colonnes de l’Est Républicain que le monde entier a appris la stupéfiante nouvelle : Oussama Ben Laden est mort. Dead or Alive disait Bush en parlant de son vieil ennemi si pratique mais l’annonce de la mort du terroriste saoudien ne semble pas faire plaisir à tout le monde, la menace Ben Laden pèse lourd dans les colossaux budgets du Pentagone. Les nombreux démentis parus dans la presse se sont empressés de taire l’impensable annonce, celle d’une Amérique soudainement privée de son bad boy préféré.
Surréaliste. Tel est sans doute le premier adjectif qui traverse l’esprit lorsque l’on songe au plus invraisemblable scoop de la presse quotidienne régionale française depuis des décennies. Réputée pour son information dite de proximité (…avec les élus locaux), son survol léger de l’actualité étrangère et le feutré de sa ligne éditoriale, la PQR de notre beau pays vient de faire trembler une partie du monde en délivrant une information incroyable, l’ennemi numéro 1 de l’Empire du Bien n’est plus ! Ben Laden est mort ! C’est même écrit dans le journal ! Voilà nos spécialistes de la brocante, des faits divers, des inaugurations de crèches et des interminables réunions intercommunales transformés en Bernstein et Woodward (deux célèbres journalistes du Washington Post qui ont sorti l’affaire du Watergate). L’histoire retiendra peut-être que l’annonce de la disparition de l’homme le plus recherché de la planète a été publiée…par l’Est Républicain.
Premier réflexe immédiat lorsque cette nouvelle fracassante nous est parvenue aux oreilles, vérifier l’almanach pour constater que nous ne sommes pas un premier avril tellement le poisson paraît énorme et la prise disproportionnée pour ce quotidien que l’on respecte infiniment bien sûr. Deuxième réflexe, analyser l’info. C’est donc sur la base d’une note confidentielle de la DGSE que les fins limiers de la Lorraine ont sorti ce scoop mondial (lien Yahoo). Le barbu le plus célèbre a donc résisté à la traque planétaire, aux unités ''commando" lancées à ses trousses, aux services secrets de l’Empire, aux bombardements massifs et meurtriers de l’aviation US sur ses camps afghans et sur son sanctuaire au Waziristân pour finir par être vaincu…par un microbe. Ce n’est pas un une « faucheuse de marguerites » de 500 kilos de TNT qui a emporté dans les limbes le chef d’Al Quaïda mais une fièvre transmise par un minuscule bacille (Salmonella enterica sérotype typhi). A lui seul, le bacille agile a réussi ce que des millions de grouillantes fourmis de l’empire n’ont pas pu accomplir : terrasser le mal absolu sournoisement.
La probabilité qu’une telle information atterrisse sur le bureau d’un journaliste sans l’approbation d’une partie des officines est quasiment nulle.
Passé l’étonnement, plusieurs questions se bousculent et s’entrechoquent bien vite. Comment une note de cette importance a pu atterrir dans les mains d’un journaliste de l’Est Républicain ? Généralement, ce genre d’exercice de « partage » de la part des services secrets est parfaitement codifié et les fuites réelles sont rares ou inexistantes. Il s’agit souvent de faire passer une information par le biais de la presse pour agir sur l’opinion, de mettre en difficulté un adversaire précis ou de contrecarrer une campagne en cours. La probabilité qu’une telle information atterrisse sur le bureau encombré d’un journaliste de province sans l’approbation d’une partie des officines, est quasiment nulle. Rédigée pour l’usage des plus hautes autorités, ce document se base donc sur les renseignements des services secrets saoudiens pour confirmer la mort probable du leader d’Al Quaida. Voilà des sources crédibles sans l’être puisque les Saoudiens tout comme les Pakistanais, jouent un double jeu permanent avec les mouvements djiadistes. Ils sont à la fois les meilleurs alliés de l’Empire et les remparts fraternels de nombreux guerriers de la foi mal comprise.
Quelle est l’utilité d’une telle annonce puisque Ben Laden ne représente plus rien ou presque, juste une icône grise comme sa barbe, une image brouillée comme ses apparitions cathodiques et la promesse d’un baratin invraisemblable surtout…quand la Maison Blanche en a besoin d’urgence pour sortir d’une mauvaise passe politique. Autant dire que le Saoudien a beaucoup perdu de son prestige douteux même si sa nébuleuse sert aujourd’hui de fourre-tout commode aux agissements du terrorisme et du contre-terrorisme de l’Empire.
Tel un pantin désarticulé et une vieille marionnette aux fils dépareillés, Ben Laden était devenu surtout utile au Pentagone pour jouer les fantômes récurrents histoire d'effrayer une Amérique traumatisée, un guignol menaçant capable de doper tous les budgets de la Défense US, un Père Fouettard bien pratique pour donner un coup de pouce appréciable juste avant le verdict des élections présidentielles. Rien d’autre qu’un ennemi très accommodant qui a donné de la matière à l’administration Bush pour faire avaler non pas des couleuvres mais un vivarium au peuple américain (Patriot Act I et II).
Il est amusant de noter que ces mêmes imposteurs qui venaient juste de demander une énième rallonge budgétaire pour capturer…Ben Laden en dépit de moyens démesurés alloués à la lutte contre le terrorisme, se sont empressés de nier avec la dernière énergie que leur pire ennemi est enfin hors d’état de nuire. On imaginait un ouf de soulagement mais c’est un sentiment de panique absolue qui a du s’emparer du Pentagone en découvrant le scoop de l’Est Républicain. Ben Laden hors du jeu, c’est tout le château de cartes mensongères qui prend de violents courants d’air alors que son potentiel remplaçant, le Dr Aimen al Zawari, vient tout juste d’intégrer le casting d’Urgences au Pentagone – saison 5. Zarquaoui, la sanguinolente baudruche gonflée à l’hélium par Fox News n’est plus, sacrifié pour redonner un semblant de crédibilité à la pitoyable campagne irakienne, voilà que Ben Laden se brouille dans les postes de télévison où il n’est plus apparu depuis deux longues années. Que va devenir Bush sans ces figures mythiques qui incarnaient le mal enturbanné face à la doucereuse piété messianique de l’évangéliste du Bien qui a semé la démocratie forcenée en Irak (liens) ?
Il y a donc des fonctionnaires de la DGSE qui font des blagues quotidiennes en racontant les pires bêtises...
Les différentes chancelleries se sont dépêchées de relativiser l’information publiée (lien) mais le mal est fait. Jacques Chirac a ainsi pondu un communiqué assez alambiqué pour expliquer que ces notes très sérieuses qui lui étaient destinées, ne sont pas crédibles puisque non recoupées. Il y a donc des fonctionnaires de la DGSE qui font des blagues quotidiennes en racontant les pires bêtises, histoire de tester l’humeur badine de Chirac entre deux gorgées de Corona et deux bouchées de têtes de veaux. On peut juste noter que cette fuite intervient quelques jours après la triomphale visite de Nicolas Sarkozy aux USA et son entrevue avec Dieu le fils.
Cette fuite peut donc mettre dans l’embarras la Maison Blanche en éventant... un secret de polichinelle puisque les Saoudiens (et donc l’Empire et ses vassaux) le savaient, les Français également et sans doute, quelques grandes et moyennes puissances. A moins qu’il ne s’agisse d’un service rendu par le premier fan de Bush pour le remercier des 25 minutes et 13 secondes d’entrevue… Une note de la DGSE qui filerait à l’anglaise sous le nez de l’Empereur à talonnettes alors que ce dernier a consciencieusement verrouillé l’appareil des services, cela paraît improbable en effet.
L’autre hypothèse est celle d’un test d’opinion, on distille une information sans l’appuyer pour analyser son impact. Une même information publiée par CNN ou Fox News aurait été accueillie par les sarcasmes et les rires surtout dans l’opinion arabe mais une information délivrée par un obscur quotidien français devient tout à coup plus sérieuse. La preuve, elle a été reprise par l’ensemble des médias. Il s’agit peut-être de préparer l’opinion à une réécriture du synopsis principal puisque le méchant de la série a plié bagages sans doute définitivement. Un article publié par le « Time » vient d’ailleurs d’enfoncer le clou un peu plus profondément, ce qui laisse supposer d’une campagne savamment orchestrée (lien).
Deux années sans apparition, cela commençait sans doute à jaser sur le James Bond maléfique qui lançait des satellites depuis l’Afghanistan, hantait des bunkers souterrains à dix étages construits dans les montagnes et promettait de faire tomber une escadrille d’avions avec du soda et des rouges à lèvres. Le super Bad était has been, il est paraît-il mort, cela n’a pas vraiment d’importance sauf aux yeux ébahis de l’opinion américaine qui a besoin d’un héros machiavélique pour mieux lire le monde et oublier sa propre conduite des affaires. On attend les prochains épisodes avec une certaine gourmandise, les scénaristes de l’Empire sont déjà au travail…
Liens :
Chirac «ne confirme pas» la mort de Ben Laden (Libération – Reuters)
Selon Philippe Douste Blazy, Oussama Ben Laden n'est pas mort (Libération – Reuters)
Qui est Oussama ben Laden ? La vérité derrière le 11 septembre (Global research)
Mais, cette même guerre était utile, à défaut de missiles nucléaires irakiens, pour lutter contre le...terrorisme ?
La charge au vitriol de Chavez contre Bush (Le Figaro)
Remarquable introduction aux méandres du 11 septembre...
L'énorme scandale des écoutes (L’Express)
Des écoutes téléphoniques par dizaines de milliers (Nouvel Obs)
« (…) Les données ainsi recueillies et conservées constituaient "un instrument évident de pression, de conditionnement, de menace et également d'extorsion concentrée dans les mains d'un groupe restreint de personnes", indiquent les motivations des mandats d'arrêt. Au départ utilisé pour contrôler les employés de Telecom Italia et de Pirelli, les données collectées ont ensuite servi à toucher des hommes politiques, des hommes d'affaires, des entrepreneurs, des joueurs de football ou des personnalités du spectacle. Des dizaines de milliers de noms ont été découverts dans les ordinateurs saisis par la justice, révèle le quotidien La Repubblica.
Cette affaire est peut-être liée à la mort suspecte d'Adamo Bove, ancien responsable des systèmes de sécurité chez Telecom Italia Mobile, retrouvé mort après être tombé d'un viaduc à Naples. Le parquet de Naples a, en tout cas, ouvert une enquête sur ce "suicide présumé". (…) »
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CC Jung